Synovialosarcome

NB: Cet article fournit des données d'anatomopathologie, des caractéristiques cliniques ainsi que des options thérapeutiques pour les patients ayant un synovialosarcome et sert d’introduction à cette pathologie pour les medecins non familiers avec les synovialosarcomes. Les auteurs sont impliqués dans le suivi quotidien des enfants et adolescents ayant des sarcomes des tissus mous. C’est pourquoi la discussion, et plus particulièrement la discussion concernant les traitements, présente essentiellement le point de vue de pédiatres oncologues.

Introduction

Les sarcomes des tissus mous sont des tumeurs malignes des tissus extra-squelettiques et non épithéliaux, englobant les muscles, les tissus fibreux, la graisse, les vaisseaux et le système nerveux périphérique. Ils forment un groupe hétéroclite de tumeurs mésenchymateuses et sont classifiés sur une base histologique par rapport au tissu adulte auquel ils ressemblent et dont ils sont sensés dériver. Ce sont des tumeurs rares. Avec une incidence annuelle de 2-3 cas/100 000, ils représentent moins de 1% de toutes les tumeurs malignes et 2% des décès dus au cancer; et ce malgré le fait que les sarcomes des tissus mous représentent 8% de tous les cancers pédiatriques.

Les synovialosarcomes (SynovialoS) sont parmi les tumeurs les plus fréquentes des tissus mous et représentent environ 8% de tous les sarcomes des tissus mous. Weiss rapporte que le SS est le sarcome des tissus mous non rhabdomyosarcomateux le plus fréquent chez les adolescents et les jeunes adultes chez qui il représente 15-20 % de ces tumeurs (Weiss 2001). Son pic d’incidence se situe au cours de la 3ème décennie (environ 30% des synovialoS surviennent chez des patients âgés de moins de 20 ans), il touche plus fréquemment les hommes que les femmes (ratio homme/femme d’environ 1,2/1).

Malgré son nom, le synovialoS ne dérive pas du tissu synovial. Comme pour la plupart des sarcomes des tissus mous, l’origine tissulaire du synovilaoS est encore inconnue et les facteurs de risques de cette tumeur ne sont pas clairement établis; c’est pourquoi aucun programme de dépistage n’a été effectué ou ne peut être recommandé.

Anatomopathologie et Biologie

Figure 1

Figure 1: photo d’un synovialoS biphasique...

Les SynovialoS est un sarcome bien distinct du point de vue clinique, morphologique et génétique caractérisé par la translocation chromosomique t(X;18) (p11;q11). Dans la dernière classification des tumeurs osseuses et des tissus mous de l’OMS le synovialoS est classé parmi les tumeurs malignes à différentiation incertaine, pour lequel un équivalent tissulaire sain est absent (WHO 2002). Bien qu’étant une tumeur typique des tissus mous, les synovialoS ont été décrits dans d’autres sites tels que les reins, les poumons et la plèvre.

Les synovialoS sont classées selon leur morphologie en:

  • Forme biphasique
  • Forme monophasique à cellules fusiformes
  • Forme monophasique à cellules épithéliales (très rare)
  • SynovialoS peu différencié

Translocations: une translocation résulte de la cassure mécanique d’un chromosome suivie d’une reconnexion entre différents chromosomes. Le synovialos a une translocation chromosomique particulière qui semble être essentielle à sa croissance cancéreuse. La présence d’une translocation spécifique peut être une cible potentielle pour le développement de thérapie ciblée.

Figure 2

Figure 2: photo d’un synovialoS monophasique...

Le synovialoS biphasique est formé de cellules fusiformes et épithéliales en proportions variables (figure 1). Dans sa forme monophasique à cellules fusiformes, le synovialoS possède uniquement la composante de cellules fusiformes (Figure 2). Le synovialoS épithélial glandulaire est une entité théorique et nécessite des analyses de génétique moléculaire pour pouvoir être distingué de l’adénocarcinome. Le synovialoS peu différencié présente un des 3 types morphologiques : un type rhabdoide/epithéloide à large cellules, un type a petites cellules et un type fusiforme de haut grade (figure 3).

Figure 3

Figure 3: SynovialoS peu différencié de type à petites cellules...

Parmi les différents systèmes de gradation disponibles, le système français, développé par la FNCLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer) est le plus utilisé pour les sarcomes des tissus mous adultes (Guillou, 1997). C’est un système de score dans lequel la somme de D (Différentiation; "D3" par défaut pour les synovialoS), M (mitoses : en dessous de 10/10 champs de microscope ; entre 10 et 19/10 champs de microscope et plus de 19/10 champs de microscope) et N (nécrose : absente ; mois de 50% ; plus de 50%) va donner le grade (1, 2 ou3). Même si dans des protocoles thérapeutiques le synovialoS est considéré comme un sarcome de haut grade par définition, le grade FNCLCC est défini comme le facteur histologique le plus prédictif pour le pouvoir métastasiant des SynovialoS. Les facteurs de meilleur pronostic sont : moins de 10 mitoses/10 champs de microscope, absence de nécrose, absence de régions peu différenciées, patient pédiatrique, tumeur dont la taille est inférieure à 5 cm et résection totale des tumeurs localisées (Guillou 2004).

Données cliniques: le diamètre des synovialoS varie entre 3 et 10 cm. Les tumeurs tendent à être multinodulaires et peuvent être kystiques. Lorsqu’elles ont une croissance lente, ces tumeurs ont tendance à avoir des marges nettes et sont entourées par une pseudocapsule fibreuse. Le synovialoS peu différentié a une croissance rapide avec des marges infiltrantes et présente des zones hémorragiques ainsi que de la nécrose.

Données histologiques: les synovialoS sont composés de 2 types cellulaires morphologiquement et immunophenotypiquement différents: des cellules fusiformes, uniformes et relativement petites, ayant un noyau ovale et un cytoplasme rare, qui s’organisent en feuillets solides et des cellules épithéliales présentant une véritable différentiation épithéliale.

Le synovialoS peu différencié est considéré comme une forme de progression ayant un comportement plus agressif et un plus fort pourcentage de métastases (Weiss 2001). Dans les régions à plus faible densité cellulaire, il peu y avoir hyalinisation, changements myxoides, et calcifications avec ou sans ossifications, les changements chondroïdes sont rares. De la calcification tumorale focale, avec ou sans ossification, est présente dans un tiers des synovialoS. Un tableau récapitulant les caractéristiques cliniques et anatomopathologiques des synovialoS est disponible à la fin de ce document.

Génétique moléculaire: les synovialoS sont caractérisés par une translocation spécifique t(X;18) qui fait fusionner le gène SYT du chromosome 18 avec SSX1 (dans environ 2/3 des cas) ou SSX2 (dans environ 1/3 des cas) ou SSX4 (cas très rares), gènes situés sur le chromosome X. Cette translocation résulte en la formation d’un transcript de fusion (au niveau ARNm), détectable par PCR. Des cas comportant les deux transcripts de fusion SYT/SSX1 et SYT/SSX2 ont été rapportés. Le transcript SYT/SSX1 est associé de manière significative avec les synovialoS biphasiques. La corrélation entre SYT/SSX1 et une survie sans métastases plus réduite dans le cas de tumeurs localisées n’a pas été confirmée dans toutes les séries, et la valeur pronostique du type de gène de fusion est encore incertaine (Mancuso 2000, Mezzelani 2001).

Présentations Cliniques et Diagnostic

Les synovialoS peuvent survenir dans n’importe quelle partie molle du corps, et se présentent généralement comme une masse s’étendant progressivement. La présentation clinique la plus commune est sous la forme d’une masse grossissant lentement et située dans les tissus mous des extrémités inférieures du corps plus spécialement autour du genou et de la cheville. La tumeur est fréquemment localisée près d’une articulation, d’un tendon ou d’une bourse. La région cervicale (tête et cou), paroi abdominale, le rétropéritoine, le médiastin, la plèvre, les poumons sont des localisations moins communes de cette tumeur.

Différents symptômes sont associés à ces différentes localisations tumorales, cependant la présence d’une masse non douloureuse reste la présentation la plus fréquente. Par exemple, une difficulté à avaler et respirer, une modification de la voix peuvent être associées à un synovialoS de la région cervicale. La présence de douleur peut être liée à l’implication de nerfs. Du fait de la croissance lente de la tumeur, les symptômes peuvent être présents depuis longtemps au moment ou le diagnostic de SynovialoS est posé et cette progression lente peut retarder le diagnostic.

Les synovialoS étant des sarcomes de haut grade, ils sont caractérisés par une invasion locale et une propension à former des métastases. Au moment du diagnostic, moins de 10% des cas se présentent avec des métastases (particulièrement avec des métastases pulmonaires), mais la dissémination métastatique peut survenir dans 25 à 50% des cas.

Figure 4

Figure 4: IRM d’un jeune homme e 17 ans ayant un synovialoS...

Afin de déterminer quelle est l’étendue locale et l’extension de la maladie des analyses sont pratiquées au moment du diagnostic afin de déterminer le grade de la maladie. Les examens d’imagerie médicale sont indispensables pour déterminer la taille de la tumeur et son extension locale. L’ultrasonogramme est souvent le premier examen à être pratiqué. L’IRM et le scanner du site de la tumeur primaire sont souvent obligatoires pour déterminer l’invasion locale de la tumeur avant d’initier le traitement. L’IRM d’une extrémité est souvent considéré supérieure au CT Scan pour définir l’invasion dans les tissus mous (Figure 4).

Après que l’invasion locale de la tumeur ait été définie, un examen anatomopathologique est nécessaire pour établir le diagnostic histologique. La réalisation d’une biopsie a pour but de permettre l’établissement du diagnostic mais devrait également fournir suffisamment de matériel pour les analyses immunohistochimiques, cytogénétiques et biologiques et pour une revue pathologique centralisée lorsque les patients sont inclus dans des essais cliniques multicentriques.

Dans le cas d’une tumeur de grande taille et logée en profondeur dans le tissu, la biopsie doit toujours être le premier acte chirurgical afin d’éviter toute chirurgie inadéquate. La biopsie incisionnelle ou la biopsie à l’aiguille (guidée par ultrasons ou CT Scan) est préférée à la biopsie à l’aiguille fine qui permet de confirmer la présence de la tumeur maligne mais permet rarement d’identifier le sous type histologique ou d’obtenir suffisamment de matériel nécessaire pour des études supplémentaires. Dans tous les cas, la biopsie initiale doit être planifiée par un chirurgien expérimenté et prendre en compte le fait que la résection à venir doit inclure le trajet de la biopsie et sa cicatrice. Par exemple dans le cas des synovialoS des extrémités, (cuisse) l’incision doit être longitudinale et ne pas traverser plusieurs compartiments musculaires ; une hémostase soigneuse doit être assurée afin de minimiser les risques d’hématomes post chirurgicaux et la nécessité de poser des drains. Dans tous les cas, le tissu doit être envoyé frais au laboratoire, et si ceci est impossible l’échantillon doit être fixé en formaline.

Gradation

Après l’évaluation radiologique de l’extension tumorale et la réalisation de la biopsie, l’étape du diagnostic est complétée par la gradation de la tumeur, dont le but est de détecter des métastases locales et à distance. L’identification des métastases pulmonaire, osseuses et abdominales nécessite respectivement la réalisation de scanner thoracique, scan osseux au technicium et une échographie abdominale. Une attention particulière est également apportée aux ganglions lymphatiques situés à proximité du site de la tumeur primaire. La tomographie par émission de positons (PET) n’est pas un examen standard pour la gradation des synovialoS.

Une stratégie thérapeutique adaptée au risque est basée sur la gradation faite pré-traitement et l’état clinique post chirurgical. Les oncologues pédiatriques gradent généralement les synovialoS selon la classification clinique TN (classification basée sur l’invasion locale : T1 et T2 ; la taille de la tumeur : A ou B (i.e. plus ou moins de 5 cms) ; l’absence ou la présence d’invasion des ganglions et l’invasion à distance : respectivement N0 et N1 ; M0 et M1 (Harmer 1982).

Le système de gradation post chirurgical établi par l’Etude Intergroupe du Rhabdomyosarcome (IRS) est basé sur le degré de résection chirurgicale (Maurer 1988) :

  • Groupe I : tumeurs totalement réséquées avec marges microscopiques négatives
  • Groupe II : tumeur non complètement réséquées avec présence de maladie résiduelle microscopique et/ou invasion des ganglions lymphatiques régionaux.
  • Groupe III : importante maladie résiduelle présente après résection incomplète ou biopsie
  • Groupe IV : métastases au diagnostic

Les oncologues adultes gradent généralement la maladie en se servant du système établi par « the American Joint Committee on Cancer Staging » qui prend en compte le grade histologique (qui est généralement élevé pour tous les patients ayant un synovialoS) en plus de la taille et la profondeur de la lésion (la plupart des synovialoS sont localisés en profondeur).

Pronostic

Le pronostic des patients ayant un synovialoS est lié à la faisabilité de la résection chirurgicale, la taille de la tumeur et l’étendue de l’invasion locale. Les patients ayant des tumeurs de petite taille qui peuvent être totalement réséquées au diagnostic ont un excellent pronostic. Dans le cas de tumeurs de taille supérieure à 5 cm, le risque de développer des métastases à distance est plus élevé. Des séries pédiatriques (Ladenstein 1993, Pappo 1994, Ferrari 1999, Okcu 2003, Brecht sous presse) ont rapporté des taux de survie supérieurs à 80% pour les patients du groupe I-II IRS, et une survie de 60-70% pour les tumeurs > 5 cm. Le taux de survie des patients ayant une tumeur non réséquable au diagnostic (groupe III IRS) est compris entre 50 et 70 % (ce taux est clairement plus faible pour les tumeurs localisées dans la région de la tête et du cou, des poumons et du médiastin et de l’abdomen). Pour les patients ayant des métastases à distance, le taux de survie est faible.

Traitement

La meilleure approche thérapeutique pour le synovialoS reste à déterminer. Comme pour d’autres sarcomes des tissus mous, le traitement standard dans le cas de maladie localisée reste la chirurgie, la radiothérapie a pour rôle d’améliorer le contrôle local après des résections moins compartimentalisées. Le rôle de la chimiothérapie n’est pas encore clair et la faible incidence des synovialoS ne permet pas d’inclure le nombre de patients nécessaire pour un essai randomisé. Cependant, il est possible de dire que la chirurgie associée ou non de la radiothérapie et/ou une chimiothérapie comprenant de l’ifosfamide/doxorubicine sont les courants de traitements actuels.

Chirurgie

La chirurgie reste la pierre angulaire du traitement des SynovialoS. Son but est de réséquer la tumeur avec de marges adéquates et le minimum de séquelles à long terme. La chirurgie ne peut être considérée de prime abord que si la résection complète et non mutilante est considérée comme faisable. Sinon, après une biopsie de diagnostic, une chimiothérapie ou une radiothérapie doivent être appliquées afin de réduire la masse tumorale et de la rendre plus accessible à la chirurgie qui suivra. Obtenir des marges adéquates est une issue importante, strictement influencée par le type de tissu sain qui entoure la tumeur. Il est très difficile de définir une « distance de sécurité » utilisant le système métrique entre la tumeur et les marges de résection (Gronchi 2005).

La conférence consensus de Milan ( juin 2004 ) sur les sarcomes des tissus mous adultes a suggéré une définition selon laquelle des marges adéquates correspondent à "celles supérieures à 1 cm de tissus sain autour de la tumeur quand le tissu est un muscle, et > 1 mm de tissu sain autour de la tumeur quand le tissu est du périoste, un feuillet vasculaire, ou un epineurine ». A l’inverse, des marges inadéquates vont affecter le bilan local – et par conséquent la survie globale- bien que certaines études menées sur des sarcomes des tissus mous chez des adultes n’aient pas réussi à montrer une forte corrélation entre la qualité de la chirurgie et la survie globale.

Cependant, il est possible de définir une chirurgie adéquate comme résection R0 qui permet de classer le patient dans le Goupe IRS 1. Ceci inclus à la fois les résections compartimentales (résection en bloc d’une tumeur et du compartiment d’origine, dans lequel la tumeur était entièrement contenue) et les résections larges (excisions en bloc faites à travers des tissus sains, au delà de la zone réactionnelle mais dans le compartiment musculaire, enlevant la tumeur et sa pseudocapsule).

Chirurgie : ou et quand - la qualité de l’opération chirurgicale est cruciale. Les patients ayant des masses profondes et importantes, i.e. de plus de 5 cm ( masses présentant de fortes suspicions d’êtres des sarcomes) doivent être adressés à des centres spécialisés dans les traitements locaux, de préférence avant même d’être soumis à une biopsie.

Chimiothérapie

Il est assez surprenant de voir que concernant la chimiothérapie, de nombreuses stratégies très différentes ont été développées au cours du temps pour les protocoles d’oncologie pédiatrique par rapport aux protocoles adultes. Puisque des taux de réponse à la chimiothérapie assez élevés ont été rapporté dans les séries pédiatriques, les pédiatres oncologues ont considéré les synovialoS comme une tumeur semblable au rhabdomyosarcome, autrement dit comme une tumeur chimiosensible. C’est pourquoi les patients pédiatriques reçoivent une chimiothérapie adjuvante quelque soit le grade de la tumeur, même après résection totale de tumeurs de très petite taille (Ladenstein 1993, Pappo 1994, and Ferrari 1999). A l’opposé, la chimiothérapie adjuvante n’est généralement utilisée chez les patients adultes que dans des essais regroupant tous les histotypes de sarcomes des tissus mous et ayant un bras contrôle sans traitement (Sarcoma Meta Analysis Collaboration 2997, Bergh 1999, Lewis 2000, Spillane 2000, Frustaci 2001, and Trassard 2001). Ce n’est que récemment que les oncologues adultes ont reconnu un rôle possible de la chimiothérapie adjuvante pour les cas de synovialoS à haut risque, i.e. tumeurs de grande taille (Frustaci 2001, Spurrel 2005).

Une étude statistique multivariée rétrospective multicentrique coordonnée par le MD Anderson Cancer Center a inclus les données mises à jours de séries pédiatriques publiées, a analysé l’histoire clinique et la stratégie thérapeutique appliquées chez des enfants et adolescents ayant un synovialoS (Okcu 2003). Chez les 219 patients, le taux de survie globale à 5 ans était de 80%, valeur supérieure à celle rapportée habituellement pour les sarcomes adultes, et le taux de réponse à la chimiothérapie, de 60%, était lui aussi supérieur à celui obtenu pour les sarcomes adultes. Cependant, l’analyse a suggéré que la chimiothérapie adjuvante n’avait pas d’impact sur la survie des patients des groupes IRS I-II ; la survie sans évènement étant de 87% pour les 37 patients de ce groupe n’ayant pas reçu de chimiothérapie et de 78% pour les 122 patients ayant reçu de la chimiothérapie adjuvante (Okcu 2003).

Figure 5

Figure 5: Etude de l’institut national des tumeurs de Milan...

Une étude de l’Institut National des Tumeurs de Milan menée sur 271 patients a comparé les données cliniques, modes de traitement et devenir des synovialoS selon l’âge (Ferrari 2004). Aucune différence majeure dans la présentation clinique n’a été notée si ce n’est la tendance à présenter des tumeurs de taille plus importante chez les patients plus âgés, suggérant qu’il n’existe pas de différences biologiques majeures corrélées avec l’âge. Cependant, quand on considère les patients dont la tumeur n’a pas été complètement excisée, des différences significatives dans l’utilisation de la chimiothérapie adjuvante sont observées et montrent une forte corrélation des taux de survie avec l’âge des patients et l’usage de chimiothérapie. La survie sans métastases était de 60% pour les patients ayant reçu de la chimiothérapie et de 48% pour les patients n’en ayant pas eu. De manière semblable, la survie sans métastases chute de 69% à 53% et 43% selon la tranche d’âge considérée : de 0 à 16 ans (78% ayant reçu de la chimiothérapie) ; de 17 à 30 ans (21 % ayant reçu de la chimiothérapie) et > 30 ans (15% ayant reçu de la chimiothérapie) ; cf figure 5 (Ferrari 2004). Bien entendu, cette analyse rétrospective ne peut être interprétée comme une démonstration formelle de l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante pour les synovialoS, mais suggère toutefois que celle-ci a un rôle.

Réponse à la chimiothérapie

Il est probable que la biologie des synovialoS se situe entre les sarcomes des tissus mous adultes les plus typiques et les tumeurs pédiatriques à petites cellules rondes (telles que le rhabdomyosarcome ou les sarcomes d’Ewing). En fait, le taux de réponse à la chimiothérapie est d’environ 60% pour les synovialoS, alors qu’il est inférieur à 40% pour les sarcomes des tissus mous adultes et que ce même taux est de 80% pour les rhabdomyosarcomes.

Bien qu’il puisse s’avérer exact que des conditions cliniques défavorable affectent plus les patients adultes que les enfants (et l’âge en lui-même peut probablement être considéré comme un facteur pronostic pour les sarcomes des tissus mous), il est peu probable que la biologie des synovialoS survenant chez des adultes soit différente de celle des synovialoS pédiatriques. C’est pourquoi il n’y a aucune raison de traiter différemment la même maladie, de même grade selon l’âge du patient.

Une autre analyse a été effectuée en coopération par les groupes pédiatriques des sarcomes des tissus mous italien et allemand. Dans cette étude rétrospective, 150 patients ayant des synovialoS imparfaitement réséqués ont été inclus (Brecht sous presse). Cette étude n’a pas pu apporté d’éclairage supplémentaire sur le rôle de la chimiothérapie, puisque presque tous les patients ont reçu de la chimiothérapie adjuvante. Toutefois, elle a mis en évidence un groupe de patients présentant de très faibles risques de métastases : 4 rechutes locales et aucune métastase à distance n’ont été trouvé chez les 48 patients du groupe I IRS ayant des tumeurs < 5 cm. Pour ce groupe, on pourrait considérer l'utilisation de chimiothérapie adjuvante, comme exigé dans des protocoles pédiatriques européens précédents, comme traitement complémentaire.

Figure 6

Figure 6: programme de traitement des synovialoS...

Les données présentées ci dessus ont été considérées pour la mise en place récente du protocole du Groupe Pédiatrique Européen des Sarcomes des Tissus Mous (EpSSG), premier protocole européen qui est spécialement mis au point pour les sarcomes des tissus mous autres que les rhabdomyosarcomes. Ce protocole va recruter des patients dans toute l’Europe. Le rationnel pour son traitement est influencé par des expériences pédiatriques précédentes (dans lesquelles les synovialoS étaient considérés comme une tumeur semblable au rhabdomyosarcome et dans lesquelles de la chimiothérapie était administrée à tous les patients) ainsi que par des protocoles adultes (dans lesquels de la doxorubicin et de l’ifosfamide étaient peu administrés). Dans ce protocole, pour les patients du groupe IRS I (tumeur < 5 cm) aucune chimiothérapie ne sera administrée, alors que pour les autres sous-groupes un nombre de cycles réduit de chimiothérapie sera administré avec cependant une plus forte dose d’ifosfamide et de doxorubicin (cf figure 6) (Ferrari 2005).

Radiothérapie

La radiothérapie joue un rôle bien défini dans le contrôle local des sarcomes des tissus mous. Pour les patients adultes ayant un sarcome des tissus mous, la radiothérapie est habituellement recommandée après résection incomplète mais également après excision large de la tumeur dans le cas de tumeurs importantes. L’indication de radiothérapie est plus réduite (définie plus strictement) pour les enfants et adolescents ayant un sunovialoS que pour les adultes compte tenu du risque plus élevé d’effets secondaires tardifs de la radiothérapie.

La série Milan INT précédemment citée rapporte seulement une tendance favorable dans le cas de l’addition de la radiothérapie chez les patients ayant initialement eu une résection complète de la tumeur : dans le groupe de patients IRS I, la survie à 5 ans sans rechute locale était de 78% pour les patients traités par radiothérapie post chirurgicale ; cette survie était de 67% pour les patients n’ayant pas reçu de radiothérapie post chirurgicale. Toutefois, un bénéfice notable a été observé pour les patients ayant eu une résection marginale : la survie à 5 ans sans rechute locale pour le groupe de patients IRSII était de 57% lorsque de la radiothérapie était incluse dans le traitement et n’était que de 7% sans radiothérapie (Ferrari 2004). En accord avec le protocole EpSSG, la chirurgie peut être le seul traitement local pour les patients du groupe IRS I (cependant il est à noter que l’indication de radiothérapie pour les tumeurs > 5cm reste toujours une question ouverte), alors que la radiothérapie post opératoire est requise pour les patients du groupe IRS II (Ferrari 2005).

Le traitement local est plus complexe pour les patients dont les tumeurs sont considérées inopérables au diagnostic et qui reçoivent donc de la chimiothérapie. Pour ces patients, retarder la chirurgie est l’option de choix et tous les efforts doivent être faits pour obtenir une résection complète. Cependant, la nécessité de radiothérapie post opératoire reste une option pour les cas de résection retardée mais totale de la tumeur. De même, il existe quelques avantages relatifs à la radiothérapie préopératoire par rapport à la radiothérapie post opératoire : appliquer la radiothérapie en post opératoire permet d’avoir des risques de complications réduits ; mais l’irradiation préopératoire peut augmenter les chances d’obtenir des marges de résection saines au cours de la résection à venir et peut réduire les risques de contamination intra-opératoire. De plus des doses d’irradiations inférieures sont appliquées sur des champs d’irradiations plus petits. Nous pensons que le choix du traitement local doit être discuté dans une consultation pluridisciplinaire et que la décision doit être adaptée au patient. Différents facteurs doivent être pris en considération: la localisation de la tumeur, sa taille, l’âge du patient, afin de donner à tous les patients le meilleur traitement local possible.

Axes Therapeutiques En Developpement

Comme pour d’autres sarcomes des tissus mous, nous pensons améliorer notre compréhension des synovialoS dans les années à venir, de plus cette maladie a particulièrement besoin de nouvelles approches thérapeutiques. La translocation chromosomique spécifique apparaissant dans les synovialoS (Kawaguchi 2005), ainsi que les récepteurs tyrosine kinases, le récepteur de d’EGF (EGFR) et HER-2/neu (Tamborini 2004, Thomas 2005) peuvent devenir les cibles de nouveaux agents moléculaires spécifiquement développés pour influencer la biologie de la tumeur (Albritton 2005). Des essais cliniques évaluant des approches de thérapie ciblée sont en cours. De même des études supplémentaires sont nécessaires pour étudier le rôle de l’utilisation d’oligonucléotides antisens ciblant Bcl-2 ; en effet la plupart des synovialoS surexpriment la protéine anti-apoptotique Bcl-2, qui, dans divers cancers, est corrélée à la croissance tumorale, la chimiorésistance et à un mauvais pronostic (Mancuso 2000).

Thérapie ciblée: les SynovialoS sont des tumeurs particulières pour lesquelles la thérapie ciblée parait prometteuse. Pour les synovialoS les cibles de cette approche thérapeutique peuvent être : la protéine de fusion produite par la translocation spécifique ou les récepteurs à tyrosine kinase surexprimés par les cellules tumorales.

Le développement d’essais coopératifs incluant à la fois des patients adultes et pédiatriques ayant un synovialoS pourrait être la bonne stratégie pour accroitre les études biologiques et obtenir, dans le cas de maladies rares comme le synovaloS, un recrutement élevé de cas nécessaires pour mettre en place des essais cliniques adéquats.

Écrit en 2005
Traduit en 2011

Par Andrea Ferrari, MD
Pediatric Oncology Unit
et Paola Collini, MD
Pathology Department

Istituto Nazionale per lo Studio e la Cura dei Tumori
Via G. Venezian, 1 -20133 Milano MI, Italy

Traduit en français par:
Aurélie Dutor, PhD
Cadre Biologiste CRCL

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  • Figure 1: photo d’un synovialoS biphasique
    Figure 1: photo d’un synovialoS biphasique, sur laquelle on peut voir la coexistence des deux types cellulaires: les cellules fusiformes et les cellules épithéliales glandulaires.
  • Figure 2: photo d’un synovialoS monophasique
    Figure 2: photo d’un synovialoS monophasique dans lequel seule la composante cellulaire fusiforme est présente.
  • Figure 3: SynovialoS peu différencié de type
    Figure 3: SynovialoS peu différencié de type à petites cellules caractérisé par un modèle hemangioperycytomateux dominant formé de structures vasculaires dilatées, entre lesquelles , on trouve de petites cellules rondes comme celles rencontrées dans une tumeur à petites cellules rondes i.e. le Sarcome d’Ewing. Dans ces cas il faut avoir recours aux analyses de génétique moléculaire afin de différentier les deux entités.
  • Figure 4: IRM
    Figure 4: IRM d’un jeune homme e 17 ans ayant un synovialoS de la cuisse supérieure. L’IRM est indispensable pour determiner avec exactitude l"extension locale de la tumeur. Dans la définition de l’invasion des tissus mous, l’IRM a une meilleure résolution que le CT Scan.
  • Figure 5: Etude de l’institut national des tumeurs de Milan
    Figure 5: Etude de l’institut national des tumeurs de Milan (italie) analyse rétrospective de 271 patients de tous âges. Corrélation des taux de survie avec l’âge et l’utilisation de chimiothérapie est clairement different dans les différentes tranches d’âges (Ferrari A, et al. Cancer, 101:627:634; 2004).
  • Figure 6: programme de traitement des synovialoS
    Figure 6: programme de traitement des synovialoS adapté au risque; protocole NRSTS2005 du groupe pédiatrique européen des sarcomes des tissus mous (EpSSG). Cliquer sur la figure pour visualiser une version agrandie.